Dans l'émission de radio dans laquelle j'officie, je me suis bien sûr fait le plaisir de me lâcher sur le sujet ! Il y a des choses que j'ai déjà dites ici, et même plus !
Voici donc cette dernière chronique du 2 février, que j'ai intitulée
nonymous ; référence au collectif des Anonymous, mais sans le A, car moi, j'assume !! ^^
Malheureusement, comme je suis passé en dernier pour chroniquer, j'ai dû faire avec le temps qu'il me restait, et donc, j'ai dû speeder... Dommage...
De plus comme malgré ma speeditude, j'ai dépassé de quelques secondes le temps imparti à l'émission, il a fallu faire un montage pour avoir la fin de ma chronique sur le podcast... Le dernier paragraphe a donc été amputé de cinq ou six mots, comme vous pourrez vous en rendre compte.
Alors pour ceux que ça intéresse, je vous ai mis le texte sans trou de cette fin de chronique après le lien et en tout petit, afin que vous écoutiez
avant de lire !
Et je préviens, il y en a pour un petit quart d'heure d'écoute ; comme la chronique était un peu longue, elle a été coupée en deux par un rapide morceau musical, afin de préserver l'attention de l'auditoire !
http://dl.dropbox.com/u/54299405/nonymous.mp3
Allez, sans transition, finissons-en. Puisqu'on cherche à réduire ce débat à un prétendu vol de droits, allons-y, entrons dans ce jeu, et nous aussi, à l'image de tous ces hypocrites, jouons aux cons jusqu'au bout ! Quid des droits des descendants de Leonardo da Vinci vis-à-vis du Louvre ? Quid encore des droits des descendants de Moïse sur le Deutéronome ? Et finalement, je vous le demande... Doit-on payer un droit d'exister, au titre de la Création Divine ?? Je vous laisse méditer là-dessus...
***
Et histoire de compléter le sujet, un pote, après avoir écouté ma chronique, m'a envoyé ce post très intéressant d'un mec sur un forum, je ne sais pas lequel... Ça date de décembre, donc juste avant... le drame... Si j'avais eu ces infos avant, ma chronique aurait pu être plus longue encore !!
le mec en question a écrit:Dans les constantes du discours autour du téléchargement, et quel que soit le "camp" d'où émerge ce discours, on trouve toujours deux figures bien implantées dans les esprits :
1/ les majors perdent de l'argent
2/ le mec qui télécharge consomme sans rien donner en retour
Et si on parlait un peu de l'argent que se font les entreprises autour de ce phénomène, et surtout, surtout, de l'argent qu'elles ont économisé grâce aux vilains "pirates" ?
Lorsque le format mp3 a été finalisé, vers 1993, la réaction des différentes majors, éditrice de musique et/ou de matériel audio, a été un peu près unanime ; quelque chose comme : "hin hin hin hu hu pff ha ha". A cette époque, le mot d'ordre lancé au consommateur c'était : "achète mes k7 DCC à moi, avec ma norme sonore à moi, qui ne sont lisibles que sur mes lecteurs DCC à moi que tu vas acheter aussi". Ou bien "achète mes Minidisc Sony qui ne sont compatibles avec rien, que tu ne pourras lire que sur mes lecteurs Sony, et où tu ne pourras acheter que de la musique publiée par Sony". En bref, cloisonnement, protection, fermeture à tous les étages.
Et là débarquent ces vilaines feignasses égoïstes de téléchargeurs qui, en même pas deux ans, vont créer par leur interaction massive un réseau international d'échange, rendre de plus en plus intuitifs et faciles d'emploi les logiciels p2p (à l'origine utilisés par des scientifiques pour échanger leurs données), encoder à tour de bras des bibliothèques entières de zik et les mettre à disposition (acte entièrement gratuit, l'encodeur n'obtient aucune thune ni aucune gloire à exécuter ce travail), et imposer ainsi au fil des ans un format standard, qui peut circuler n'importe où, qu'on peut balancer sur son ordi, sa chaîne, son baladeur, son autoradio sans avoir à se soucier de la marque et de ses compatibilités. Ce sont ces vilains téléchargeurs qui ont tracé l'autoroute sur laquelle aujourd'hui s'engraissent des boites comme Apple, Samsung, Sony, Virgin, Microsoft et tous les autres, et à qui il aura fallu presque dix ans pour comprendre tout l'intérêt du mp3 et les opportunités qu'il leur offrait.
Peut-on imaginer les millions de millions d'euros qu'il aurait fallu à une ou plusieurs entreprises pour développer toute la technologie qui entoure le mp3, pour créer et imposer dans le monde entier une telle mutation dans les comportements d'amateurs de musique ? Développer les logiciels de lecture, d'encodage, perfectionner et adapter les plateformes de téléchargement, lancer des campagnes marketing ultra-massives pour encourager les gens à franchir le cap et à vaincre leur peur naturelle de la technologie et de l'informatique ? Cette mutation ne leur a coûté que-dalle. Le consommateur s'est fait sa propre éducation aux logiciels, a essuyé lui-même tous les plâtres, toutes les approximations de cette technologie, s'est excité tout seul sur son ordi pour comprendre les systèmes de ports, de serveurs, de bande passante, de fichiers zip, d'échantillonage, et il a accepté de faire tout ça parce qu'il était séduit par la gratuité justement...
Lorsque, en 1999, le français Jerôme Rota a créé son format de compression vidéo DivX, il était convaincu que les distributeurs de films allaient s'arracher sa chemise. Il balancé ses économies pour s'installer aux Etats Unis, où il a fait le tour des majors hollywoodiennes et des majors télé. L'accueil qu'a reçu son innovation était plutôt unanime. Ca donnait à peut près ça : "hin hin hin hu hu Ha Ha HA HA HA... hiiiii... hoouuu... snirf.... hihihi haha HA HA HA HAhahaha !!!"
A cette époque, il faut le dire, les majors hollywoodiennes avaient leur propre DIVX (tout en majuscules celui-là) et il était autrement plus révolutionnaire. Il s'agissait d'un système de DVD autodestructible. Après deux ou trois visions sur ta platine, ton film il était niqué, irregardable; tes enfants se mettent à chialer et menacent de quitter le foyer. Si tu veux qu'ils puissent revoir une quatrième fois La Petite Sirène, tu dois raquer. Tu payes avec une carte dans le lecteur qui envoie la demande d'autorisation au serveur (au passage, pourquoi ne pas également présenter ta pièce d'identité et une goutte de sang pour test ADN) et pouf ! ton DVD est ressuscité. Comme à l'habitude, il s'agissait pour les majors de garder leur catalogue de films en otage puisqu'elles étaient effrayées à l'époque par la durée de vie supposée du DVD, et d'enfermer le consommateur dans un réseau composé de machines et de disques propriété exclusive du distributeur, avec carrément un flicage du client (et les gens n'ont pas voulu de cette merveille ; ha là là font chier les gens des fois)
Et donc le DivX devient opensource ; rebelote comme pour le mp3 : vilaines feignasses de téléchargeurs = développement en moins de deux ans d'une chiée de logiciels de plus en plus intuitifs, films découpés en morceaux zippés puis reconstitués, fichiers Par, newsgroups et fichiers nzb, systèmes de pistes audio multiples et sous-titrages multiples (dont sous-titrages exécutés gratuitement par des anonymes, parfois même mieux traduits que sur les DVD officiels), essuyage de plâtres etc. tout ça justement parce que guidé par la gratuité.
Outre la gratuité, le vilain téléchargeur bénéficie aussi d'un plus non négligeable par rapport à l'acheteur de DVD. Pour voir son film, ou seulement pour en voir une séquence, il n'a pas à attendre chaque fois 3mn50 comme un con devant son écran, à se faire pourrir la gueule par des messages qui le traitent de voleur de sacs à main et de voleur de voitures, des textes de loi en 18 langues, 8 bandes annonces inzappables des produits pourris de l'éditeur. Mais le bon client qui a déboursé 30€, lui, il doit se farcir tout ça... à chaque fois. Après la prise d'otage du film, voici la prise d'otage du consommateur. La logique est la même : empêcher, enfermer, obliger... oui oui, même et surtout quand tu viens de payer !
Et à terme il est tout aussi évident que les majors vont se faire une thune d'enfer, pas forcément avec le DivX, mais avec toutes les technologies de diffusion qu'il a initié. Et une fois de plus, elles n'auront pas déboursé un kopek en développement et marketing. Les millions de vilains téléchargeurs ont fourni une force de travail, de concertation, de développement et de promotion qu'aucune entreprise n'aurait osé rêver.
Et ce système global, international, d'échange gratuit va faire gagner de l'argent, beaucoup beaucoup d'argent, à beaucoup de monde. A travers cette "gratuité", c'est peut-être le capitalisme qui est en train de se réinventer. Ironique, isn't it ?
Evidemment, tout ceci, malgré quelques faits indéniables, est de l'ordre du Amha. Mais je voulais quand même faire partager cette perspective sur le sujet, assez peu abordée je trouve.