«Comme vous le savez, la recherche sur les cellules souches embryonnaires me tient à coeur», disait-il dans l'annonce, diffusée à la veille des élections de mi-mandat.
Oscillant de gauche à droite, un va-et-vient incontrôlable dû à la maladie de Parkinson, Fox ajoutait : «Au Missouri, vous pouvez élire Claire McCaskill, qui partage mon espoir de trouver des remèdes. Malheureusement, le sénateur (républicain) Jim Talent s'oppose au développement de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Le sénateur Talent veut même criminaliser la science qui nous donne espoir.»
Quelques jours plus tard, Claire McCaskill défaisait Jim Talent, un résultat surprenant attribuable en bonne partie à la question de la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Or, cette recherche a débouché cette semaine sur une avancée majeure qui désamorcera peut-être le débat éthique et politique aux États-Unis autour de cette question.
Deux équipes scientifiques, une au Japon et l'autre aux États-Unis, ont en effet réussi à transformer des cellules de peau en cellules souches, qui sont capables d'évoluer en cellules de 220 types différents dans le corps humain. Publiées dans les revues Science et Cell, leurs études ouvrent la voie à de nouveaux traitements contre le cancer, le diabète et le Parkinson, entre autres, sans passer par la destruction d'embryons.
Si une telle avancée avait été annoncée avant les élections de novembre 2006, le républicain Jim Talent représenterait peut-être encore aujourd'hui le Missouri au Sénat. Comme plusieurs conservateurs américains, il s'oppose à la recherche sur les cellules souches embryonnaires au nom du caractère sacré de la vie humaine.
En juin dernier, George W. Bush s'est appuyé sur le même principe pour opposer son veto à une loi du Congrès qui aurait élargi le financement par le gouvernement fédéral d'une partie de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
«Les États-Unis sont une nation fondée sur le principe que toute vie humaine est sacrée, avait déclaré le président. Et notre conscience nous appelle à explorer les possibilités de la science d'une façon qui respecte la dignité humaine et en accord avec nos valeurs morales.»
Il va sans dire que la Maison-Blanche s'est réjouie de l'avancée annoncée cette semaine. Selon un de ses porte-parole, la découverte des scientifiques américains et japonais permettra de résoudre des problèmes médicaux «sans compromettre ni le but élevé de la science, ni le caractère sacré de la vie humaine».
Certains médias ont épousé le point de vue de la Maison-Blanche, annonçant «la fin de la guerre sur les cellules souches». Une telle conclusion semble prématurée.
Les deux équipes scientifiques ont réussi à reprogrammer les cellules de peau en y insérant quatre gènes différents au moyen de rétrovirus. Cette technique permet de créer des cellules souches ayant le même code génétique du patient, mais elle présente des risques de mutation. Pour éliminer ces risques, les chercheurs devront apprendre à se passer de rétrovirus, la prochaine étape-clé dans leurs travaux. D'ici là, plusieurs scientifiques voudront poursuivre leurs recherches sur les cellules souches embryonnaires.
«L'avancée de cette semaine ne met pas un terme à la controverse autour de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, elle l'exacerbe», dit à La Presse Kevin Wilson, porte-parole de la Société américaine de biologie cellulaire. «Nous avons aujourd'hui deux études qui présentent des résultats intéressants. Mais si vous parlez aux scientifiques, ils vous diront que nous ne pouvons pas, à partir de deux études préliminaires, dire que nous devons abandonner tous les autres champs de recherche.
«Pour le moment, il n'y a rien qui réfute la thèse voulant que la recherche sur les cellules souches embryonnaires soit la plus prometteuse», ajoute-t-il.
Le sénateur républicain Arlan Specter a tenu le même discours dans une entrevue au New York Times cette semaine. «Je suis d'avis que la science ne devrait pas être menottée et que nous devrions explorer toutes les options, a-t-il dit. C'est une question de vie ou de mort, et si nous trouvons quelque chose d'aussi efficaces que les cellules souches embryonnaires, très bien.»
Ainsi donc, Michael J. Fox pourrait sentir le besoin de se mêler à nouveau de politique américaine...
La Presse, 25/11
